Interview de Wissem Ben Youssef : l’exercice d’enseignement à distance en période de reconfinement

 

1. Qu’est-ce que le métier d'Enseignant-chercheur ?
 

L’enseignant-chercheur est un métier à double facette : l’enseignement et la recherche. L’enseignant dispense des cours dans une discipline bien déterminée (l’économie, la finance, le management etc.). Il est amené à transmettre des savoirs et des connaissances ayant pour vocation d’aider les étudiants à acquérir des compétences leur permettant d’être opérationnel sur le marché de l’emploi. La mission d’enseignement commence par la conception d’un cours, la définition de son contenu, l’élaboration des supports jusqu’à la transmission orale lors de la séance du cours.

L’enseignant est amené ensuite à définir les critères et la grille d’évaluation lui permettant d’apprécier l’état d’avancement des étudiants dans leur processus d’apprentissage. Il accompagne également les étudiants dans la conception et la validation d’un projet professionnel ou de recherche à travers l’encadrement des rapports de stage et des mémoires de fin d’études.

Le volet recherche du métier est axé sur la production et la diffusion de nouveaux savoirs à travers notamment la publication d’articles scientifiques, d’ouvrages, et la participation aux conférences voire même
aux débats de société.

Les deux facettes sont parfaitement complémentaires et permettent à l’enseignant-chercheur d’exercer un métier dynamique, en perpétuelle évolution et qui demande un effort continu d’adaptation.

 

2. Pouvez-vous nous raconter vos deux dernières semaines de confinement et d’enseignement à distance ?
 

Le métier d’enseignant-chercheur évolue au rythme de la transformation digitale bien avant le confinement. Aussi bien les contenus que les supports subissent depuis quelques années une réelle disruption avec la facilité d’accès aux connaissances et aux savoirs à moindres coûts. Le confinement avec ses deux versions n’a fait qu’accélérer la tendance. Le passage plus au moins forcé à l’enseignement à distance, devrait être vécu comme une opportunité plus qu’une contrainte.

À l’ESLSCA, aussi bien les enseignants que les étudiants se sont relativement bien adaptés aux différents outils et supports. Des problèmes d’ajustement persistent certes mais demeurent marginaux et tendront à disparaître sur le moyen et le long terme. Les bienfaits escomptés de la digitalisation de l’enseignement dépasseront certainement les coûts d’ajustement et ouvriront des horizons d’apprentissage à l’international avec des coûts quasi nuls.

Certaines universités ont d’ores et déjà fait de l’enseignement à distance un choix stratégique d’optimisation des coûts dans le cadre d’un déploiement à l’international : c’est le cas notamment de l’European Business University au Luxembourg avec une présence spectaculaire en Afrique, en Asie et en Amérique Latine.

 

3. L’exercice d’enseignement à distance est particulier. Comment le vivez-vous ? Êtes-vous favorable à une démocratisation de l’e-enseignement ?
 

L’enseignement à distance est certes particulier dans la mesure où il change la nature de la relation entre l’enseignant et l’apprenant. Les risques liés au défaut de communication directe en face à face comme la démotivation et le sentiment d’isolement voire dans certains cas le décrochage, existent. Le rôle de l’enseignant est crucial à ce niveau pour motiver les étudiants et les fédérer à son cours à travers notamment la fixation d’objectifs intermédiaires (les rendus à chaque séance, les quiz, les présentations orales etc.)
 

L’enseignement à distance a permis à des millions d’apprenants à travers le monde de poursuivre leur apprentissage pendant la crise Covid-19. Des institutions internationales comme la banque mondiale estiment que l’enseignement à distance avait minimisé les pertes d’apprentissage, néanmoins, il risque de creuser les inégalités puisque l’accès à la technologie est loin d’être égalitaire. La démocratisation de l’e-enseignement peut constituer une aubaine pour l’humanité, si les conditions de sa réussite sont réunies.

Personnellement, l’enseignement à distance m’a donné l’opportunité de toucher à travers les conférences en ligne des étudiants un peu partout dans le monde (La Tunisie, Le Liban, L’Irak, la Turquie, la Géorgie etc.). J’ai également participé à un symposium scientifique international autour des enjeux et défis de l’enseignement à distance au cours duquel j’ai présenté mon expérience en e-learning.

 

4. Quels pourraient être les axes d’améliorations en la matière ?
 

L’enseignement à distance nécessite des ajustements au niveau de toutes les phases du processus d’apprentissage et de la part de tous les acteurs impliqués. Les contenus académiques, les méthodes pédagogiques et les supports d’enseignement doivent évoluer sous les nouvelles contraintes d’un apprentissage à distance. Les enseignants doivent faire preuve d’imagination et de création pour développer de nouvelles approches et investir dans des démarches d’innovation pédagogique. Les étudiants doivent vivre l’expérience comme un enrichissement malgré les quelques limites.

 

5. Un conseil pour nos étudiants ?

Restez motivés et créatifs et contribuez à faire évoluer l’expérience de l’enseignement à distance à travers vos retours et vos idées. Soyez acteurs du changement.