Le Droit du Travail mis à mal par le Covid

Le Monde connaît aujourd’hui l’une des plus grandes crises liées à la pandémie du Covid-19. Conséquence d’une telle situation : le gouvernement a pris des dispositions fermes pour freiner la propagation du virus notamment en droit du travail.

 

En matière de droit du travail, une série de mesures phares résultent de lutte contre cette crise sanitaire. On peut donc se demander comment l’Etat parviendra t-il à allier maintien de l’économie nationale tout en garantissant la santé publique?

 

Nous exposerons la nécessité d’adapter le droit du travail sous le prisme de la loi des 60h et des congés payés, de la mise en place  du télétravail et enfin du droit de retrait et de ses modalités.

 

 

I. LA NÉCESSITÉ ADAPTATION DU DROIT DU TRAVAIL :  LOI DE 60H ET CONGÉS PAYÉS

 

Le temps de travail hebdomadaire a subi d’importants changements suite à la pandémie du covid-19. Il a été jugé nécessaire par le gouvernement d’adopter une loi d’urgence.

 

1. Une dérogation aux 35H

Eu égard à la crise que traverse le monde, le gouvernement a décidé d’adopter en toute urgence une loi. Elle vise à déroger aux 35 heures de travail hebdomadaire pour les entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation et à la continuité de la vie économique et sociale, de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos dominical et hebdomadaire. Cette loi permettra d’allonger considérablement le temps de travail des salariés jusqu’à 60 heures par semaine. Toutes les dérogations prévues par cette loi, le seront  jusqu’au 31 décembre 2020.

                          

En contrepartie, les heures travaillées au-delà de la 35ème heure seront majorées en heures supplémentaires (25% à partir de la 36ème heure ou plus si un accord le prévoit). Le  gouvernement a proposé aux employeurs de l’agro-alimentaire d’octroyer une prime à leurs salariés s’il le souhaitaient. Cette mesure n’est pas obligatoire. Le personnel de santé bénéficiera d’une indemnité forfaitaire.

 

Les secteurs concernés ont fait l’objet d’une publication par décret. Parmi  ceux-ci,  figure la santé et l’agro-alimentaire. De même que les entreprises du secteur de l’énergie, des télécommunications, les secteurs de la logistique, du transport ou encore du monde agricole.

 

2. Les congés payés et RTT

L'article 7 de la loi d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie due au Covid-19, fait une dérogation au Code du travail en accordant aux employeurs de plus amples pouvoirs notamment pour la prise de congés payés. En effet, il permet à celui -ci d’imposer ou de modifier les dates de prise d'une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, avec un délai de prévenance d'un jour franc. La diminution du droit à congé pays est tout à fait envisageable, le salarié peut se voir imposer moins de 2,5 jours de congés payés par mois.  Autrefois , le délai de prévenance était de quatre semaines.

 

L’employeur peut imposer des RTT. Nul besoin ici d’accord de branche ou d’entreprise. L’employeur peut les imposer au salarié de prendre des jours de réduction du temps de travail dans la limite de 10 jours. Il peut même aller piocher dans les jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié. Le délai de préavis est là encore raccourci : il n’est que d'un jour.

 

Au vu de l’urgence de la situation , pour certains secteurs d’activités il est impossible de travailler à distance raison pour laquelle tous ses aménagements ont été prévu par la loi. Cependant, d’autres secteurs d’activités n’excluent pas quand à eux la possibilité de travailler à distance. Cela limitera le risque de propagation de l’épidémie tout en permettant la continuité du service.

 

« Toutes les entreprises doivent s'organiser pour faciliter le travail à distance, et quand cela ne sera pas possible, elles devront adapter dès demain leur organisation pour faire respecter ces gestes barrières contre le virus, c'est à dire protéger leurs salariés, ou, quand il s'agit d'indépendants, se protéger eux-mêmes ». E. MACRON –  Allocution, Adresse aux Français, le 16 Mars 2020.

 

 

II. L’ADAPTATION CONTRAINTE À UNE NOUVELLE FORME DE TRAVAIL : LE TÉLÉTRAVAIL

 

Le télétravail est défini par le code du travail comme : “toute forme d'organisation du travail, dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication”.

 

Le télétravail répond à une demande tant sociale, économique qu’environnementale permettant une meilleure conciliation entre vie personnelle et professionnelle.

 

Cependant, selon une étude du Ministère du Travail réalisée en 2018 : 61% des français aspirent au télétravail, pourtant, il n’est une réalité que pour 17% d’entre eux. (Télétravail | mode d’emploi, publié le 26/03/2018).

 

Le droit au télétravail est la résultante de lois sur le renforcement du dialogue social, résultantes de la création du droit au télétravail au sein des entreprises.

 

 

Quid du télétravail en cette période pandémique ?

 

Conformément à l’article L. 1222-11 du Code du travail « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection du salarié ».

 

1. Les conditions techniques et légales

Au-delà du fait que pour l’adoption du télétravail au sein d’une structure, il faille que les délégués du personnel soient informés en amont et consultés pour la mise en place. Le télétravail doit également être prévu dans le contrat de travail du salarié.

 

L’entreprise doit avoir des choses déjà mise en place technologiquement pour permettre le travail à distance tout en garantissant une confidentialité, une protection des données sensibles.

 

L’entreprise doit disposer du matériel permettant à ses collaborateurs de travailler en réseau, avoir accès aux même espaces virtuels de travail que dans leurs locaux.

 

En effet, prévoir le nécessaire pouvant se substituer aux réunions en physique, tel que les visions conférences, gestion de projets en ligne, espace de dialogue permettant techniquement une communication plus facile et le maintien de l’activité.

 

Une fois l’ensemble de ces éléments exposés, il est nécessaire de réfléchir dans ce contexte pandémique quelles sont les activités ayant intérêt d’être maintenues ?

 

La période à laquelle nous faisons face est inédite, l’ensemble des activités des entreprises ne peuvent être maintenues soit pour des raisons technologiques inadaptées ou alors liées à la nature de l’activité du ou des services concernés.

 

Par exemple, une assurance ne va pas pouvoir maintenir ses activités commerciales ou de prospection. En cette période de confinement il va être nécessaire, soit d’adapter le(s) service(s) en fonction de la situation ou alors suspendre l’activité.

 

Les entreprises sont dans l’ensemble vulnérables et peuvent être la cible de tentative de fraude tant externe qu’en interne. Si nous prenons l’exemple d’une banque, il est nécessaire quelle maintiennent ses activités relatives au contrôle interne ou de conformité. En sommes, il ne s’agit pas d’activité lucrative par essence mais néanmoins garante de sécurité financière pour les entreprises.

 

2. Les conditions humaines et managériales

Nombreuses sont les idées reçues des responsables hiérarchiques à l’égard du télétravail en entreprise. Les arguments avancés peuvent être les suivants : peur d’inefficacité, non productivité…

 

Le contexte actuel rend presque inévitable le télétravail. Le maintien de l’activité de la plupart des entreprises en dépende. Confiance, encadrement et productivité vont devoir primer sur les idées reçues ou les inquiétudes parfois non fondées des managers.

 

De toute évidence, les rapports collaborateurs/salariés vont profondément être impactés et peut être la résultante d’une nouvelle manière de travailler pour le plus grand nombre.

 

Cependant, travailler à distance nécessite d’y être formé mais également d’un encadrement légal. Il est également nécessaire de mettre en place des feed-back axés le suivi de l’activité des salariés.

 

Des entreprises ont cherché à cadrer, à estimer le travail réaliser à distance. Un certain nombre de mesure garantissant la bonne marche de l’activité ont été adoptées. Des mesures ont également été prises pour se prémunir de toutes dérives liées à l’allongement du temps de travail des collaborateur confinés à domicile :

 

  • La mise en place de Plan d’activité :

Permettant à la hiérarchie un suivi concret des activités menées par les collaborateurs.

 

  • Des contrôles liés aux nombres des heures effectuées :

Cela peut être permis par l’analyse du temps de connexion des salariés via temps de connexion –

La mise en place d’un temps de connexion limitées pour éviter tout allongement du temps de travail du salarié.

 

 Il est nécessaire d’allier moyens technologiques et encadrement afin de permettre la continuité de l’activité en cette période pandémique. Le télétravail apparait comme une nécessité. Il doit néanmoins faire l’objet de certains réglages pour que son adoption soit pertinente.

 

Lorsque le télétravail n’est pas possible, le Président de la République invite les entreprises à prendre les mesures nécessaires pour éviter la propagation du virus - sans quoi les travailleurs pour faire valoir un droit au retrait.

 

III. LA REMISE EN CAUSE DE CERTAINS PRINCIPES : LE DROIT DE RETRAIT

 

Définition du droit de retrait

                    

Le droit de retrait a été institué par la loi du 23 décembre 1982 relative aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

 

L’article L4131-1 de Code du travail prévoit que lorsque la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le salarié peut quitter son poste de travail ou refuser de s’y installer sans l’accord de l’employeur - après avoir averti celui-ci.

 

Le salarié peut exercer son droit de retrait et interrompre ses activités, tant que l’employeur n’a pas mis en place les mesures de prévention adaptées.

 

L’employeur ne peut effectuer aucune retenue sur salaire, ni sanctionner un travailleur qui a exercé son droit de retrait de manière légitime.

 

Cependant, il faut noter que l’exercice du droit de retrait par le salarié ne doit pas entraîner un risque de blessure, d’accident ou de maladie.

 

Comment appréhender ce droit de retrait face à la crise sanitaire qui fait rage ?

 

Certaines personnes, en raison de la nature de leur travail, sont dans l’obligation de se rendre sur leur lieu de travail. Au regard de la situation, il est intéressant d’observer dans quelles mesures il est possible faire valoir son droit de retrait. 

 

1. Droit de retrait : un droit légitime en cas de danger

Un salarié peut exercer son droit de retrait s’il estime justifié. Il n’aura pas à en apporter la preuve. Il devra seulement s’assurer que l’exercice de son droit de retrait n'entraîne aucun risque de blessure, d’accident ou de maladie. C’est, en principe, ce qui est prévu par la loi.

 

Quid du droit de retrait pour les fonctionnaires ?

 

Pour les fonctionnaires, la situation est plus complexe.

 

Le 31 Mars, la Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publique annonce que les fonctionnaires qui quittent leur poste s'exposent à des sanctions pouvant aller de l’avertissement à la radiation.

 

Cette annonce peut légitimement interrogée et inquiétée au sens où les fonctionnaires - notamment les fonctionnaires de polices - sont en première ligne face au virus.

 

2. Un risque de généralisation ?

Face à une telle situation sanitaire, le risque est le que le droit de retrait devienne une norme.

 

En effet, beaucoup d’entreprises menacent de se retirer en raison de leur forte exposition au virus et du manque de moyens de protection. Les nouvelles ne sont pas rassurantes. Par exemple, nous pouvons citer le cas de cette employée d'Ehpad décédée il y a peu ou encore le Groupe Carrefour qui déplorait le second décès au sein de ces collaborateurs. La liste des professionnelles décédées au front peut être longue et déprimante. Pour éviter que la liste ne s’allonge, le syndicat du Groupe Carrefour invite à une grève nationale pour dénoncer le manque de protection et le risque de propagation du virus aux salariés.

 

Par ailleurs, de nombreux salariés de Carrefour avaient déposé un droit de retrait qu’ils ont ensuite retiré, après discussion avec leur employeur. Preuve que l’exercice du droit de retrait n’est pas si simple.

 

Le droit de retrait, fonctionnant plutôt comme une menace, est difficile à mettre en oeuvre car il existe des obstacles très forts notamment juridique, il est possible de voir sa responsabilité engagée. De plus, l’employeur peut procéder à une retenue de salaire en cas d’usage abusif du droit de retrait.

 

Les menaces de retrait sont légitimes : en effet, il semblerait que le pays manque de moyens matériels et pourtant le gouvernement appelle à la responsabilité des travailleurs, précisant que le droit de retrait répond à une définition juridique et jurisprudentiel (cf. note de la DGAFP à propos du droit de retrait) ;  signe que l’exercice de droit doit être nuancé.

 

CONCLUSION

Longtemps sujet de tous maux, le droit du travail est en profonde mutation. En effet, le Covid- 19 est un élément de force majeur cause de changements radicaux dans notre société.

 

Il est nécessaire d’utiliser à bon escient nos progrès technologiques, intellectuels et les moyens mis à notre disposition afin de préserver la Santé publique mais également l’économie nationale dans le but de la sauvegarde du bien commun.

  

 

Ecrit par :    

CARLOTA PEREIRA MENDES

NAOMIE N’SINGANA

ZEGBE-KOUAME GRÂCE

Etudiantes du MBA Droit des Affaires