Retour sur le colloque du MBA Droit des Affaires Internationales - Management et finance

Retour sur le colloque des Blockchain et des Cryptomonnaies organisé le 25 septembre 2018 par le MBA Droit des Affaires Internationales - Management et Finance de l'ESLSCA Business School Paris.

 

 

« Les Blockchain et les Cryptomonnaies, bouleversent-ils l’ordre juridique ? ». Telle était la question à laquelle le colloque a tenté de répondre. Pour y parvenir, les travaux ont été divisés en deux parties : la première consacrée à une approche technico-financière, la seconde dédiée à appréhender le phénomène d’un point de vue juridique et réglementaire.

 

Régulièrement, la technologie se présente aujourd’hui avec un double visage. D’un côté, une face technique car certains spécialistes peuvent prétendre qu’il n’existe aujourd’hui aucune technologie apportant un niveau de sécurité et de fiabilité égale à celui de la Blockchain. D’un autre côté, un visage juridique et judiciaire qui laisse planer les doutes et qui a du mal à s’aligner sur les garanties offertes par la technologie et les spécialistes.

 

L’objectif du colloque est de réduire les écarts pouvant exister entre les deux mondes. C’est la raison pour laquelle, il était convenu de réunir techniciens, financiers, banquiers, fiscalistes et d’éminents juristes.

 

Les questions que suscite le sujet sont multiples et variées. Les travaux initiés jusqu’à présent ont d’ores et déjà apportés quelques réponses. D’autres questions demeurent en revanche à la merci de la pratique et au bon vouloir des autorités de régulation. Voici quelques une de ces questions :

 

  • Techniquement, comment fonctionne une Blockchain ? Qu’est-ce qu’une clé privée et une clé publique ? Quels sont les supports possibles de ces clés ? Quel est le droit applicable à l’émetteur de la clé publique ? Est-il propriétaire ou simplement responsable des données ? Quelles garanties pour le détenteur en cas de détournement ?
  • Sur le terrain de la propriété et de la responsabilité : comment ces supports impactent le droit de propriété sur la clé ? Que faire en cas de perte ? Comment protéger les données contenues dans la clé ? Quel régime de responsabilité et quelle autorité compétente ? Comment réagir face aux utilisations à des fins illicites ? Qui serait responsable des transactions en l’absence d’administrateur ou d’opérateur ? Quels recours ont les utilisateurs de la Blockchain ? Personne n’est propriétaire de la Blockchain. En résulte-t-il que « personne n’est responsable » ?
  • Sur le plan structurel, maintenant que des produits financiers peuvent être échangés en DEEP, peut-on désormais envisager des introductions en Blockchain de la même façon que des introductions en bourse ? Quid des problématiques de franchissement de seuil, de manipulation de cours, du cercle d’initié… Les PSI, peuvent-ils toujours espérer y jouer un rôle ? Doivent-ils envisager d’adapter leurs pratiques ? Quelle autorité et quel contrôle ? Par qui ? Si le dispositif échappe aux mécanismes de contrôle et d’intermédiation, quel avenir pour les PSI dans les DEEP ? Joueront-ils un jour un rôle ou doivent-ils en faire le deuil ?
  • Pour ce qui est du droit comparé, quelles sont les autorités qui ont légiféré sur les Blockchain ou sur les autres produits ou dispositifs issus de la Blockchain (ICO, Bitcoin …) ? Quels sont les raisons et les objectifs de leurs interventions ? Quelles sont les qualifications données à chacun de ces produits ? Quelle conséquence fiscale ?
  • Pour ce qui est des ICO, quel statut à travers le monde ? Quels sont les pays qui les ont permis ? Quels sont les pays qui les ont interdit et pourquoi ? Quelle est la situation législative en France et quelle évolution ?
  • En matière de Bitcoin, ont-ils ou peuvent-ils avoir un effet libératoire ? Quel rôle pour les banques centrales ? Est-il envisageable de créer des banques centrales chargées des cryptomonnaies ? Qu’en pense la BDF ?

 

Successivement, se sont succédés à la tribune les intervenants de la première partie afin d’y apporter les éléments de réponse. Ces débats étaient animé par Monsieur Philippe Baumard. 

 

D’abord, un mot du parrain de la promotion, Monsieur le professeur Thierry Bonneau qui a rappelé aux étudiants de la promotion sortante 2017-2018 et à ceux de la promotion entrante 2018-2019 les enjeux et les défis de leur formation. Le responsable du MBA Monsieur Moundir AKASBI a rappelé justement la dichotomie technique et juridique que soulève la question du jour. 

 

Monsieur Hafid Mellouk et ensuite Monsieur Sacha Ott ont évoqué que la Blockchain est issue de la technologie de la cryptographie asymétrique des années 70, mise en avant après la crise de 2008 par les cryptomonnaies, notamment les Bitcoins. C’est une technologie de stockage et de transmission de données avec trois caractéristiques principales. La Blockchain est transparente ou chacun peut consulter les données de manière perpétuelle. Elle est sécurisée car la transmission des données est pratiquement récalcitrante à toute forme de manipulation. Enfin, elle fonctionne sans organe central de contrôle puisque son fonctionnement se réalise exclusivement par le truchement de relations pair-à-pair ou Peer to Peer. Une démonstration technique a été exposée par les intervenants.

 

Le groupe de recherche de Capgemini, via ses intervenants Messieurs Enrico Boccardi et Achraf Ayadi ont présenté les applications pratiques de la technologie (Liquidshare, Nasdaq, Nasdaq Estonia, UBS, ASX, HQLA…). Les intervenants n’ont pas manqué de préciser que la pratique donne une place considérable à la Blockchain privée. La pratique en Blockchain publique est plutôt rarissime. 

 

La dernière intervention de cette partie a été clôturée par la locution de Monsieur George Castel, Directeur du MBA Trading – Finance de Marché de l’ESLSCA Business School Paris qui n’a pas manqué de préciser le caractère très particulier de la Blockchain qui apparaît comme le début d’un renouveau de notre économie et qui permet de mettre en place un dispositif de confiance partagé. Il a démontré qu’il s’agit aussi d’une économie « casino ». La technologie Blockchain se doit donc d’être au service de la transparence, du droit et des règles et non pas au service de crypto actifs.

 

La seconde partie, animée par Monsieur le professeur Thierry Bonneau, tentait d’apporter des éléments de réponse aux nombreuses questions juridiques et réglementaires.

 

Pour ce qui est des ICO, Monsieur le professeur Hubert De Vauplane a partagé avec l’auditoire sa longue expérience et son expertise en la matière en signifiant l’existence d’une réglementation disparate à travers le monde. Toute levée de fonds basée sur cette technologie nécessiterait une curiosité et une connaissance inévitable de la réglementation locale du pays concerné. Son intervention a provoqué de nombreuses questions de la salle.

 

Malgré ces difficultés pratiques, les ICO bénéficiaient d’une définition réglementaire assez précise des différentes autorités. Néanmoins, la notion des tokens et des bitcoins est juridiquement plus difficile à appréhender. Sont-ils des titres financiers, des contrats financiers ? Comment les qualifier juridiquement et à quelle catégorie les rattacher ? Auteur de nombreux écrits en la matière, Monsieur le professeur Dominique Legeais a apporté les éléments les plus précis pour répondre à ces questions. Ces qualifications ne sont pas sans conséquences sur les applications qui suivent, notamment en droit fiscal.

 

Mais avant de se pencher sur ces conséquences, nombreuses encore sont les applications de la Blockchain. Cette dernière se présente également comme un registre qui n’est pas réservé exclusivement aux opérations de financement. Monsieur le professeur Mustapha Mekki a fait une présentation très détaillée et drastique des applications sur certaines pratiques personnelles et professionnelles. Ces pratiques se manifestent en matière de suretés, d’assurance, de notariat… essentiellement via les smarts contracts. Ces différentes pratiques rapprochent davantage cette technologie de l’intérêt commun. Cette intervention a éveillé les consciences sur l’éminence d’une appréhension réglementaire, notamment de la part des professionnels.  

 

Monsieur Jérôme Blanchet s’est penché ensuite sur la question de la valorisation des cyptomonnaies. A travers cette intervention, il était question de déterminer la valeur des échanges sur les cyptomonnaies et leur valeur libératoire. L’intérêt économique de la technologie pour les professionnels et les ménages a également était mis en avant.

 

Par ailleurs, la fiscalité des tokens et des bitcoins restait tout de même une question particulièrement préoccupante au regard de ses incidences directement sur les revenus des investisseurs et des mineurs (nom attribués aux hébergeurs des données de la Blockchain par référence au minage). Le rattachement à une catégorie juridique ou non est tout de même primordial dans la détermination du régime fiscal applicable. Madame Nadine Prod’homme Soltner et monsieur Karim Sid Ahmed ont donné les éléments fiscaux les plus précis pour appréhender la question au regard notamment du CGI et de la décision du conseil d’Etat du 26 avril 2018.

 

Enfin, le droit des marchés financiers trouve également des applications en la matière. Le Dispositif d’Enregistrement Électronique Partagée (appelé DEEP) traduit l’utilisation de la Blockchain dans le code monétaire et financier. Cette technologie est présentée comme un moyen complémentaire aux moyens déjà existant sur les marchés réglementés et les autres systèmes de négociation des titres. Néanmoins, elle ne porte que sur certains instruments financiers, notamment non côtés. Monsieur Moundir AKASBI a apporté quelques précisions en la matière.

 

 

L’ensemble de ces contributions ont permis d’appréhender davantage le phénomène. Monsieur le professeur Thierry Bonneau a tenu une conférence de clôture en précisant que la monnaie régalienne doit continuer de jouer son rôle sans que la nouvelle « monnaie privée » ne soit bannie. Néanmoins son champ d’application reste distinct de la précédente. Les conclusions riches enseignements de cette dernière intervention n’ont pas manqué d’apporter les éléments de réponse nécessaires à la question posée par le colloque. Elle a ouvert également des perspectives juridiques et réglementaires non dépourvues d’issues pratiques pour les différents acteurs.

 

Pour les lires ainsi que l’ensemble des interventions, les actes de ce colloque font l’objet d’une publication au journal des sociétés. Ce numéro spécial sortira en Décembre 2018.

 

Un article dans la revue Droit et Patrimoine d’octobre 2018 doit résumer les travaux effectués dans ce colloque. 

 

L’ESLSCA Business School Paris remercie chaleureusement tous ceux qui ont contribué à la mise en place et à la réussite du colloque du MBA Droit des affaires internationales – Management et Finance.