Trading algorithmique : tellement plus rapide, vraiment plus fort ?

Le Trading Haute Fréquence ou High Frequency Trading fascine autant qu’il inquiète. Laisser des machines passer des millions d’ordres à chaque fraction de seconde à travers les places boursières du monde entier, est une perspective de réaliser des plus-values massives en minorant les risques. Mais le rythme auquel ces transactions est réalisé est tel, qu’il peut rapidement échapper à tout contrôle.

 

Preuve de la défiance des institutions face au trading haute fréquence, la très récente décision du département du travail américain qui, dès le 1er mars 2020, n’autorisera plus les médias à envoyer les chiffres clés diffusés sous embargo aux automates de trading. Cette décision n’est pourtant pas une première. En 2018 déjà, le département de l'Agriculture avait déjà décidé de ne plus divulguer à l'avance aux médias ses chiffres sur les récoltes mensuelles de blé, maïs, soja. La raison de cette décision ? Deux secondes seulement après la divulgation de ces chiffres, les premiers impacts sur les marchés se faisaient déjà ressentir. Réagissant à l’échelle du millionième de seconde, les outils de trading haute fréquence ne sont pourtant pas nouveaux. Toutefois avec les progrès des technologies et l’augmentation des débits de données, le rythme s’accélère au point de faire froid dans le dos.

 

Trading Haute Fréquence : Des chiffres qui donnent le vertige

70%* des ordres passés sur les marchés de capitaux américains sont le fruit du Trading Haute Fréquence. Ils sont compris en 25% et 30% en Europe.

 

113 microsecondes. C’est la vitesse à laquelle une opération financière peut être réalisée grâce au trading de haute fréquence…

 

9,2% : C’est la baisse enregistrée par le Dow Jones le 6 mai 2010 en moins de 10 minutes, entrainant une perte de 1 000 milliards de dollars sur les marchés

 

* Selon une étude TABB Group

 

Le Trading Haute fréquence a-t-il déjà causé des cracks boursiers ? En 2012, Knight Capital perdait 440 millions de dollars suite à un bug informatique affectant son système de trading haute fréquence. Le bug a abouti à l'envoi de milliers d’ordres erronés sur 140 valeurs qui ont connu des fluctuations erratiques : -4 % pour Novartis en quelques secondes, +9 % pour Nokia en quelques minutes, +10 % pour Goodyear… Si la perte de 440 millions de dollars n’a rien d’anodin pour Knight Capital, la chute de son action à moins de 3 dollars a été nettement plus préjudiciable… Plus récemment, le 5 février 2018, un vent de panique a soufflé sur les banques mondiales, le Dow Jones enregistrant sa plus forte baisse depuis 6 ans. Une dégringolade qui n’a pas tardé à entraîner les bourses asiatiques et européennes, le CAC40 reculant le 6 février de 2,35%.

 

La cause de ce mini-krach : la peur du retour de l’inflation aux États-Unis et la crainte d’un relèvement des taux directeurs de la Réserve Fédérale. En soi, rien de fondamentalement inquiétant, une simple correction de marché, mais considérablement amplifiée par les robots de trading qui engendrent souvent une « surréactivité » des marchés.

 

Le Trading Haute Fréquence constitue-t-il une menace ? Pour Georges Castel, Directeur de programme du MBA Trading – Finance de Marché à l’ESLSCA Business School Paris, « le trading haute fréquence n’est jamais que l’aboutissement d’un processus connu sous le nom de scalping qui consiste à se positionner sur des micro-écarts sur des délais très courts ». Faut-il en avoir peur ? Rien n’est moins sûr. « On ne peut pas nier que le trading haute fréquence présente un risque de flash crack et fondamentalement, la question n’est pas tant de savoir si un incident peut se produire mais plutôt quand il va se produire ». Mais le Trading algorithmique est aujourd’hui bénéfique pour le marché. « On peut toujours s’inquiéter d’une pratique qui peut sembler hors de contrôle, mais le trading haute fréquence est utile et contribue à générer des liquidités dont le marché a bien besoin ». Si le régulateur envisage de renforcer l’encadrement du Trading Haute Fréquence, pour mettre en place des garde-fous évitant les dérives à l’instar des initiatives de la Bourse allemande, Georges Castel ne hurle pas avec les loups. « Qu’il existe un certain risque avec le Trading haute fréquence, c’est indéniable, mais il y a bien d’autres menaces plus sourdes et non moins inquiétantes comme les cryptomonnaies (qui n’en sont d’ailleurs pas) dont l’opacité et la volatilité sont autrement plus angoissantes, ou encore le manque de lisibilité qui pèse sur le Crowdfunding, censé contourner le monde de la banque mais sans préciser concrètement qui tire les ficelles en coulisses »…